Séminaire « Médias et Journalismes en tensionS : normes, pratiques et discours »

2024

Ce séminaire du laboratoire Elico propose un espace d’échanges et de discussions sur des questions vives autour du journalisme et des médias contemporains.

Déjà dans les années 90, les crises sociales étaient mises en parallèle d’une éventuelle crise du métier de journaliste, ou du moins des transformations qui touchaient alors l’exercice du journalisme (Levêque, 1999). Plusieurs décennies ont passé et cette mise en perspective entre les deux phénomènes parait tout aussi pertinente. Que les crises soient qualifiées de sanitaires, environnementales, politiques ou sociales, elles sont à chaque fois des occasions singulières d’observer leurs traitements médiatiques mais aussi de questionner à nouveau les relations qu’entretiennent les journalistes avec les différents acteurs sociaux, relations qui redessinent en permanence les modalités d’exercice de la profession et le périmètre des médias. Les transformations qu’a connues le champ journalistique des deux dernières décennies (2000- 2020) ont été documentées par la recherche (Gadras, 2022). Quelle actualité pour ces questions ? L’idée est de nourrir la réflexion à partir de journalismes dans des contextes hétérogènes, sur le plan politique ou sur le plan socio-culturel, notamment en décentrant le regard depuis le journalisme français pour saisir la complexité et la variété des conditions et des formes d’exercice de la profession.Dans cette perspective, le séminaire rassemble des chercheur.es Elico et d’autres laboratoires, français ou étrangers, autour de deux axes principaux.

Mise en récit médiatique des crises et événements majeurs :

Dans un contexte de concurrence des récits et des médias généralisée et mondiale, les récits médiatiques peinent à affirmer leur place historique tant les publics sont sollicités et exposés par le biais des écrans. S’intéresser à la mise en récit contemporaine des événements majeurs qu’ils soient traumatisants, rassembleurs ou festifs c’est comprendre les logiques discursives des acteurs sociaux, mais aussi les modalités de leur médiatisation ou au contraire de leur mise au silence. Les sociétés se racontent, notamment par les médias journalistiques qui tentent de préserver des formes instituées dans un cadre de rapports de pouvoirs tendus entre les acteurs historiques et les plus récents.

Un des objectifs du séminaire sera d’être attentif à ne pas globaliser l’analyse ou la compréhension des crises et événements majeurs par le prisme des médias, mais justement d’entrer dans les contextes et spécificités de chaque situation, en considérant qu’il ne peut y avoir de modèle de crise sanitaire, environnementale, politique ou sociale.Un second objectif visera à prendre en considération les études des publics tant dans leurs pratiques informationnelles que dans leur configuration et prise en compte par les médias eux-mêmes. Le rapport des publics aux médias sera abordé à partir de regards renouvelés et originaux qui interrogent la normativité des discours sociaux sur les publics, au-delà des questions de défiance ou de fausses informations.

Professions en tension :

L’existence de tensions est historiquement caractéristique du champ journalistique et contribue à l’instabilité de l’identité socioprofessionnelle des journalistes. La concentration des entreprises médiatiques génère des transformations importantes dans les pratiques professionnelles. En regard, des médias alternatifs se développent, en ligne comme hors ligne, revendiquant une indépendance économique, un positionnement éditorial différent et des démarches journalistiques plus ou moins proches des canons traditionnels de la profession. Sur internet, émergent régulièrement, et en marge du champ professionnel, des nouveaux producteurs d’informations à la légitimité discutée. Tout ceci dans un contexte de méfiance forte à l’égard des discours médiatiques.
Plusieurs questions actuelles renouvellent ces tensions et pourraient être travaillées dans le cadre de ce séminaire. Le développement de technologies numériques continue à interroger les pratiques de production d’information. C’est bien évidemment le cas de l’intelligence artificielle, dont les nouvelles formes viennent interroger le travail et la déontologie journalistique. C’est aussi le cas des questions environnementales, scientifiques ou de santé qui occupent une place de plus en plus importante dans l’information d’actualité. La profession de journaliste est, on le sait, variée et diverse. On pose le regard ici sur l’exercice du métier qui expose, qui pousse aux limites, celles de la résistance, de la protection ou même de la compromission. De la connivence à la menace de mort en passant par la corruption, nous souhaitons inviter ici des paroles qui incarnent et interrogent les (op)pressions sur les journalistes, qu’elles soient subtiles et insidieuses ou bien massives et assumées. Nous nous demanderons également en quoi les collectifs professionnels sont-ils encore des formes protectrices dans ces contextes violents.

Références

Gadras S. (2022), « 2000-2020 : âge critique du journalisme ? Les transformations contemporaines de la profession », dans Alexis, L., Devillard V., Granchet, A., Le Saulnier, G., Le manuel de journalisme. Paris : Ellipses, pp. 21-30.
Levêque, S. « Crise sociale et crise dans le journalisme : traitement médiatique du mouvement social de décembre 1995 et transformation du travail journalistique », in E. Kouvélakis, C. Leneveu, M Vakaloulis (dir.), Faire mouvement : matériaux pour une analyse des luttes sociales de novembre décembre 1995, Paris, PUF, 1998 (Une version remaniée de cet article est parue dans la revue Réseaux, n° 98, vol 17, 1999.)

Responsable(s) scientifique(s)

Valérie Croissant, Marie-Noelle Doutreix et Eva-Marie Goepfert

Partenaire(s)

GER Journalismes