Jean-François Tétu, fondateur de notre unité de recherche Elico, est décédé jeudi 22 août 2024.

Professeur des Universités à l’Institut d’Études Politiques de Lyon, il avait créé, en 1991, l’équipe d’accueil Médias et Identités, qu’il avait dirigée, avant de travailler à la fusion des différentes équipes d’accueil (avec Ersicom et Ursidoc) du site de Lyon. Cette fusion a abouti en 2006 à la labellisation par le ministère d’une nouvelle équipe d’accueil, Elico. Cette désormais « unité de recherche » rassemble à ce jour la majorité des enseignants-chercheurs de la 71ème section à Lyon et Saint-Etienne et fédère les différents établissements du site de Lyon – Saint-Etienne.

 

Agrégé de Lettres classiques, Docteur d’État en 1982, Assistant de littérature française à l’Université Lumière Lyon 2, dès 1971, après avoir été enseignant en lycée et en classes préparatoires, Jean-François a été un des membres de la « Constituante » de Lyon 2. Il a été directeur-adjoint de l’UFR de sciences du langage à l’Université Lyon 2, université où il s’est occupé, par ailleurs, de nombreuses autres tâches, du service audiovisuel à la formation des personnels administratifs.

Après avoir rejoint, en 1983, la toute nouvelle section des Sciences de l’Information et de la Communication, la 71ème, il a été le premier directeur de l’UFR des Sciences de la Communication à l’Université de Grenoble 3. En 1983-84, il est revenu à Lyon, à l’Institut d’Études Politiques, où il a mis sur pied la section Po-Co, Politique et Communication, et c’est sous son impulsion que se sont développés les enseignements en Information et Communication que nombre d’étudiant·es – ancien·nes et présent·es – mentionnent comme des moments importants de leur cursus. C’est également à l’IEP, qu’il a créé, avec le journaliste Bernard Fromentin, l’Écornifleur, support pédagogique d’une initiation au métier de journaliste, qui continue sa vie avec les étudiant·es en journalisme de l’Institut.

C’est également sous son impulsion qu’a été mis en œuvre et que perdure, avec quelques variations, ce qui fut le DEA, puis le Master 2 Recherche en Information-Communication, devenu Master 2 en Information-Communication, porté ou appuyé par tous les établissements universitaires lyonnais.

 

Comme Professeur des Universités, Jean-François a été, pendant deux mandats (de 1995 à 2003) membre du CNU en 71ème section, assurant la présidence de cette section lors de son second mandat (1999-2003) pendant lequel il a œuvré à une clarification des critères de qualification pour le recrutement dans notre discipline. Enfin, Jean-François Tétu a siégé dans le jury de, et c’est là un chiffre approximatif, près de 150 thèses (sans compter les HDR).

 

Une trajectoire professionnelle exemplaire, donc, au cours de laquelle il n’a pas hésité à changer deux fois de discipline pour mettre sur pied des formations qui répondaient à une « demande sociale changeante ». Là où d’autres auraient attendu, il a sauté le pas, montant des projets dont beaucoup portent encore leurs fruits. Cette volonté de construire était profondément liée à son attention aux autres. Jean-François n’a pas cherché à construire « sa place », il a construit, d’abord et avant tout, celle des autres ; il a pensé et agi, de façon fondamentalement humaniste, pour les étudiant·es, les collègues, les institutions. Ce qui était un engagement indéniable et premier dans le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche s’est toujours manifesté par son refus de se dérober aux nombreuses tâches ingrates qui occupent, aussi, les carrières universitaires. Il a toujours pris sa part, même lorsque son « statut » aurait pu lui laisser penser qu’il pouvait esquiver ces tâches. Et ce statut, cette expérience et son engagement dans l’Université et, depuis 1983-84, à l’IEP ont été ceux d’un enseignant et d’un chercheur, profondément attentif à la parole et aux travaux de ses collègues, au devenir des doctorant·es, à l’évolution des étudiant·es.

 

Avec quelques collègues (Yves Lavoinne et Jean Mouchon, puis Simone Bonnafous et Michael Palmer), Jean-François avait mis sur pied le Groupe de recherche en analyses des médias, le Gram, qui se réunissait « en présentiel » et qui vit passer, parler et discuter beaucoup des chercheurs et chercheuses travaillant sur les médias. Le Gram est ensuite devenu une liste scientifique (gérée d’abord par Hélène Cardy et Alice Krieg-Planque, puis par Claire Blandin) et constitue une des ressources vives de notre communauté scientifique.

 

L’apport majeur de Jean-François aux sciences de l’information et de la communication fut, sans doute, le lien qu’il a proposé entre l’analyse du discours, la sémiologie et le discours politique. Il a commencé à enseigner dans le domaine de la littérature française, et c’est peu à peu qu’il s’est intéressé aux médias et à l’analyse de leur discours, de leurs images et de la sémiologie de l’information, aux liens entre écriture et temporalité, en construisant une articulation entre ces recherches et celles qui ont contribué à la reconnaissance, en France, du champ disciplinaire des SIC.

 

Jean-François était un esprit curieux, une capacité à s’enthousiasmer demeurée intacte, un intellect toujours en éveil à l’abord de nouveaux textes, de nouvelles recherches. Et les nombreuses heures passées dans la lecture des travaux des étudiant·es, dans la rédaction de projets de recherche, dans la formalisation des contrats successifs de l’unité de recherche ou dans la gestion de cette unité, n’avaient pas entamé une implication jamais démentie dans son métier et dans les établissements où il avait exercé.

 

Pour celles et ceux qui ne le connaissaient pas, et pour retrouver le parcours intellectuel et professionnel qui a été le sien, un entretien a été mené avec lui en 2022 par Sandrine Lévêque et Denis Ruellan, qui évoque son parcours et les SIC :

https://revue.surlejournalisme.com/slj/article/view/473/447.

 

Jean-François Tétu nous a quitté·es en cette veille de rentrée universitaire ; il a été une grande figure et un des architectes de la discipline des Sciences de l’Information et de la Communication.

 

Il laisse un vide immense.

 

Isabelle Garcin-Marrou,

pour ses collègues et ami·es de Lyon, de Médias et Identités, d’Elico.